L'être biologique
Présentation
A l'origine de l'univers n'existaient que des particules extrêmement simples et disparates. Depuis, certains éléments se sont assemblés en structures de plus en plus grandes et complexes. Ce faisant, les éléments se sont différenciés de la soupe originelle dans laquelle ils baignaient tout en acquérant des propriétés nouvelles.
Dans ce chapitre, nous livrons ces propriétés en parcourant le chemin qui va de la matière à l'homme. Cet exposé montrera l'être humain recherchant le plaisir et fuyant la douleur. Il nous dira notre agressivité, nos joies et nos peurs aussi. Il posera les attitudes de l'humain dans la sphère du vivant sans chercher les explications sous-jacentes.
Avant de commencer le chapitre, nous aimerions vous prévenir que certaines expressions peuvent laisser penser à un finalisme c'est à dire amener à croire que la matière - vivante ou non - suit un projet, se donne une fin qu'elle tend à réaliser. Ce n'est point là notre intention. Nous utilisons la facilité qu'il y a à exprimer les qualités de la matière dans un langage emprunt de finalisme. Toutefois, soyez prévenus qu'il ne s'agit que d'une paresse linguistique de notre part. Ce n'est pas parce qu'une parcelle de matière a développé une qualité qu'elle concourait à le faire. En revanche, c'est parce qu'elle l'a fait que nous pouvons en parler et entrevoir les mécanismes parfaitement "aveugles" qui l'ont déterminé.
Ceci étant dit commençons par les propriétés du vivant.
1.1 Au plus profond de nous, les qualités que nous partageons avec tous les êtres vivants
Qu'est ce qu'être vivant ?
A cette question, trois grandes sciences apportent leur réponse.
La biologie moléculaire
La physiologie
La thermodynamique
Les définitions que ces approches donnent du vivant sont liées à leur objet d'étude. Pour la biologie moléculaire, le vivant est ce qui possède la molécule d'Acide Désoxyribonucléique (ADN) ou d'ARN support de l'information génétique. Pour la physiologie le vivant se trouve là où se produisent des réactions biochimiques qui concourent à s'entretenir. Quant à la thermodynamique, elle dit vivant ce qui est capable de se perpétuer et de se transformer en dégradant de l'énergie prise à l'environnement.
Les trois approches permettent de différencier partiellement l'animé de l'inanimé. C'est de l'approche thermodynamique que nous allons partir ; une approche qui base son raisonnement sur l'énergie.
Transformer l'énergie
Selon la thermodynamique, être vivant c'est être traversé par l'énergie. Le vivant puise de l'énergie dans le milieu, en garde une partie et rejette le reste. A quoi sert l'énergie gardée ? A assurer la pérennité donc la transformation, le renouvellement de la structure vivante.
Parce qu'elle est traversée par un flux d'énergie en provenance de et en partance pour le milieu et qu'elle transforme cette énergie en structure, une partie du monde est vivante. Voilà une définition valable pour tous les êtres vivants, du virus à l'éléphant, de la molécule à l'être humain.
Echanger
Nous venons de dire qu'en se rassemblant des éléments ont créé des étendues de matière différenciées du reste du monde ; des structures. Bien que différentes ces structures communiquent avec l'environnement notamment par le fait qu'elles y puisent de l'énergie. Nous tenons là une deuxième qualité du vivant : sa capacité à communiquer, à échanger. Après avoir vu que vivre c'est transformer nous voyons que vivre c'est échanger ! Ce qui est isolé du reste du monde ne peut se maintenir en vie. C'est l'échange d'énergie mais aussi d'informations qui permet à la structure vivante d'assurer sa pérennité. Cet échange suppose d'être capable de collecter l'énergie et l'information et de les redistribuer à l'ensemble de la structure. Chaque parcelle de vivant s'est dotée de tels systèmes de communication.
La fin poursuivie reste le maintien de la structure grâce à la transformation de l'énergie. Or les réactions biochimiques assurant cette transformation ne peuvent s'accomplir que dans des conditions bien déterminées. Tout changement par rapport à ces conditions induit une perte d'efficacité.
Se stabiliser
La pérennité du vivant passe par le maintien de l'intérieur de la structure dans certaines limites. Au-delà de ces limites, les liens se rompent, la structure disparaît, les éléments se dispersent.
Ce maintien de la stabilité à l'intérieur d'une structure vivante a été appelé par Claude Bernard, constance du milieu intérieur. Elle a reçu de W B Cannon, le doux nom d'homéostasie.
Une troisième propriété dynamique du vivant est donc de concourir au maintien de son milieu intérieur.
Si nous tombons dans le finalisme c'est à dire si nous donnons une intention au vivant, la traduction de cette propriété est : "la raison d'être d'un être vivant c'est d'être" (Henri Laborit). L'objectif premier de toute structure vivante c'est de vivre.
Si cette propriété est directement satisfaite par certaines catégories d'êtres vivants comme les végétaux, pour d'autres - comme les animaux - le maintien de la vie passe par l'action.
Agir
Alors qu'un végétal utilise l'énergie uniquement à des fins de renouvellement et de transformation de sa structure, l'animal garde une partie de l'énergie pour agir directement sur l'environnement. D'un aliment de départ, le corps animal fait un mouvement.
Chez l'animal la constance du milieu intérieur donc la survie passe par l'action. C'est en nous déplaçant et en agissant sur le milieu que nous nous procurons la nourriture et que nous nous protégeons des agressions assurant par-là même la pérennité de nos êtres.
L'ordre de priorité fait que la constance du milieu intérieur peut être provisoirement sacrifiée à l'action. Bien entendu, il faut qu'à terme cette action soit efficace c'est à dire qu'elle permette de maintenir la constance du milieu interne et donc de perpétrer la structure vivante.
Nous avons parlé d'action efficace. En effet, dans les interactions que nous avons avec le milieu, tout n'est pas favorable. Pour survivre, un animal a, par exemple, tout intérêt à vite s'apercevoir que le contact direct avec le feu lui est nuisible. Certaines interactions avec le milieu extérieur sont favorables d'autres non. Les animaux sont capables de faire la part du favorable et du nuisible simplement par des réactions internes de plaisir et de douleur.
Ressentir : le plaisir et la douleur
Nous avons en nous des mécanismes qui, une fois activés, engendrent le plaisir et la douleur. Habituellement, ces mécanismes sont directement aux prises avec l'état physiologique du milieu interne. Tout ce qui contribue à maintenir ou rétablir la stabilité de ce milieu est associé à un plaisir, tout ce qui éloigne de l'équilibre provoque la douleur. Ingérer de la nourriture alors que le corps en manque est plaisant. Bouger alors que le corps est épuisé provoque la douleur.
Notre présentation est extrêmement simplifiée mais l'idée est là. Chaque expérience de la vie est catégorisée en terme de douleur ou plaisir.
Pour les animaux, plaisir et douleur engendrent des comportements de recherche ou de fuite d'autant plus efficaces à terme qu'ils sont mis en mémoire. Nous reviendrons sur ce point dans le chapitre consacré aux comportements.
Apprendre et changer
Une structure vivante est plongée dans un environnement changeant. En dépit de ces fluctuations, elle doit pouvoir maintenir la constance de son milieu intérieur. Cette double contrainte est :
rendue possible par le fait qu'une structure vivante est plastique, capable de changer son organisation en réponse à des stimuli extérieurs. Toutefois, le changement induit toujours un effort doublé d'un risque.
facilitée par la capacité du vivant à retenir ce qui lui est arrivé. Le vivant est capable d'intégrer, de mémoriser et de transmettre des changements l'ayant affecté. C'est là que la thermodynamique rejoint l'étude du système nerveux mais également la biologie moléculaire. En effet, la mémoire du vivant s'inscrit au niveau des neurones mais aussi de cette molécule si particulière capable de garder des informations et de les transmettre à travers les générations ; j'ai nommé l'Acide Désoxyribonucléique ou ADN.
Quelle que soit l'origine de l'information mise en mémoire, le fait important est qu'un individu ou une espèce est capable d'apprendre. Cet apprentissage peut être extrêmement simple et stéréotypé. C'est le cas quand un seul paramètre change et induit toujours le même comportement en réponse. Nous passons devant la vitrine de la boulangerie ; notre regard se fixe, nos papilles gustatives s'excitent. En revanche, quand la situation est plus complexe, l'apprentissage passe par une suite d'adaptations extrêmement fines qui peuvent elles aussi être sujettes aux changements.
Voilà que nous avons déjà parcouru pas mal de chemin. Nous nous approchons maintenant, de ce qui fait la particularité de l'être humain. Non pas que les animaux ne possèdent pas les qualités qui suivent mais que l'être humain les ait portées à un degré de développement bien supérieur aux autres espèces vivantes.
Raisonner c'est à dire faire des catégories et établir des liens
Nous avons déjà parlé de catégories et de liens en disant qu'un stimulus peut être vécu comme plaisant ou déplaisant. Telle chose a telles propriétés et produit tels effets. Voilà la base de la logique. Les systèmes vivants réalisent ce rôle d'intégration, de comparaison de propriétés, de données, de relations de causes à effets. Ils permettent ainsi de dégager des principes d'autant plus puissants qu'ils sont basés sur l'abstraction liée à la représentation et au langage. Par exemple : tout ce qui est rouge est dangereux. Le raisonnement permet, à partir de situations vécues et retenues, de dégager des principes généraux c'est à dire ce qui se retrouvent à l'identique dans de nombreux cas de figure. Ces principes sont bien évidemment plus simples que le réel mais ils ont l'avantage de pouvoir orienter l'action efficacement. Leur force tient dans leur utilité.
Enfin, l'homme a su appliquer son raisonnement non seulement sur les choses mais aussi sur ses semblables et sur lui-même. Il a ainsi appris qu'il est.
Être en conscience
Il y a environ 100000 ans l'être humain s'est mis à enterrer ses semblables. Ce faisant, il reconnaissait l'existence, l'unicité mais aussi la fragilité de l'être humain. Reconnaissant la mort, il posait son existence et celle de ses "autres lui-même". La prise de conscience de soi par une espèce vivante, a été un tournant fondamental dont nous avons, encore aujourd'hui, bien du mal à assumer l'héritage.
Un être qui enterre les siens a conscience de sa singularité mais aussi du déroulement de son existence dans le temps. A un moment de son histoire, l'être humain a su le temps, il a su que demain sera.
Si les principes ainsi dégagés se déploient dans l'espace, ils s'exécutent également dans le temps et aboutissent par-là même à une autre qualité fondamentale de l'espèce humaine : savoir que demain sera.
Imaginer l'avenir
Imaginez un être qui tous les matins voit le soleil se lever. Un être capable de se souvenir du passé et de savoir que demain viendra. Que pensera-t-il de demain matin ? Certainement, qu'à l'aube, une fois encore, le soleil se lèvera ! Si un phénomène s'est produit plusieurs fois par le passé, il y a toutes les chances qu'il se répète dans le futur. De la connaissance du passé nous tirons des relations causales qui nous permettent de prévoir ou plutôt d'imaginer le futur et éventuellement de l'anticiper. C'est là une qualité fondamentale présente à l'état de bride chez certains primates et surdéveloppée chez l'être humain. Nous verrons les incidences psychologiques d'une telle qualité.
Toutes les propriétés que nous venons d'aborder se retrouvent lorsqu'on parle non plus de l'être vivant en général mais de son système nerveux en particulier.
L'être biologique
Présentation
A l'origine de l'univers n'existaient que des particules extrêmement simples et disparates. Depuis, certains éléments se sont assemblés en structures de plus en plus grandes et complexes. Ce faisant, les éléments se sont différenciés de la soupe originelle dans laquelle ils baignaient tout en acquérant des propriétés nouvelles.
Dans ce chapitre, nous livrons ces propriétés en parcourant le chemin qui va de la matière à l'homme. Cet exposé montrera l'être humain recherchant le plaisir et fuyant la douleur. Il nous dira notre agressivité, nos joies et nos peurs aussi. Il posera les attitudes de l'humain dans la sphère du vivant sans chercher les explications sous-jacentes.
Avant de commencer le chapitre, nous aimerions vous prévenir que certaines expressions peuvent laisser penser à un finalisme c'est à dire amener à croire que la matière - vivante ou non - suit un projet, se donne une fin qu'elle tend à réaliser. Ce n'est point là notre intention. Nous utilisons la facilité qu'il y a à exprimer les qualités de la matière dans un langage emprunt de finalisme. Toutefois, soyez prévenus qu'il ne s'agit que d'une paresse linguistique de notre part. Ce n'est pas parce qu'une parcelle de matière a développé une qualité qu'elle concourait à le faire. En revanche, c'est parce qu'elle l'a fait que nous pouvons en parler et entrevoir les mécanismes parfaitement "aveugles" qui l'ont déterminé.
Ceci étant dit commençons par les propriétés du vivant.
1.1 Au plus profond de nous, les qualités que nous partageons avec tous les êtres vivants
Qu'est ce qu'être vivant ?
A cette question, trois grandes sciences apportent leur réponse.
La biologie moléculaire
La physiologie
La thermodynamique
Les définitions que ces approches donnent du vivant sont liées à leur objet d'étude. Pour la biologie moléculaire, le vivant est ce qui possède la molécule d'Acide Désoxyribonucléique (ADN) ou d'ARN support de l'information génétique. Pour la physiologie le vivant se trouve là où se produisent des réactions biochimiques qui concourent à s'entretenir. Quant à la thermodynamique, elle dit vivant ce qui est capable de se perpétuer et de se transformer en dégradant de l'énergie prise à l'environnement.
Les trois approches permettent de différencier partiellement l'animé de l'inanimé. C'est de l'approche thermodynamique que nous allons partir ; une approche qui base son raisonnement sur l'énergie.
Transformer l'énergie
Selon la thermodynamique, être vivant c'est être traversé par l'énergie. Le vivant puise de l'énergie dans le milieu, en garde une partie et rejette le reste. A quoi sert l'énergie gardée ? A assurer la pérennité donc la transformation, le renouvellement de la structure vivante.
Parce qu'elle est traversée par un flux d'énergie en provenance de et en partance pour le milieu et qu'elle transforme cette énergie en structure, une partie du monde est vivante. Voilà une définition valable pour tous les êtres vivants, du virus à l'éléphant, de la molécule à l'être humain.
Echanger
Nous venons de dire qu'en se rassemblant des éléments ont créé des étendues de matière différenciées du reste du monde ; des structures. Bien que différentes ces structures communiquent avec l'environnement notamment par le fait qu'elles y puisent de l'énergie. Nous tenons là une deuxième qualité du vivant : sa capacité à communiquer, à échanger. Après avoir vu que vivre c'est transformer nous voyons que vivre c'est échanger ! Ce qui est isolé du reste du monde ne peut se maintenir en vie. C'est l'échange d'énergie mais aussi d'informations qui permet à la structure vivante d'assurer sa pérennité. Cet échange suppose d'être capable de collecter l'énergie et l'information et de les redistribuer à l'ensemble de la structure. Chaque parcelle de vivant s'est dotée de tels systèmes de communication.
La fin poursuivie reste le maintien de la structure grâce à la transformation de l'énergie. Or les réactions biochimiques assurant cette transformation ne peuvent s'accomplir que dans des conditions bien déterminées. Tout changement par rapport à ces conditions induit une perte d'efficacité.
Se stabiliser
La pérennité du vivant passe par le maintien de l'intérieur de la structure dans certaines limites. Au-delà de ces limites, les liens se rompent, la structure disparaît, les éléments se dispersent.
Ce maintien de la stabilité à l'intérieur d'une structure vivante a été appelé par Claude Bernard, constance du milieu intérieur. Elle a reçu de W B Cannon, le doux nom d'homéostasie.
Une troisième propriété dynamique du vivant est donc de concourir au maintien de son milieu intérieur.
Si nous tombons dans le finalisme c'est à dire si nous donnons une intention au vivant, la traduction de cette propriété est : "la raison d'être d'un être vivant c'est d'être" (Henri Laborit). L'objectif premier de toute structure vivante c'est de vivre.
Si cette propriété est directement satisfaite par certaines catégories d'êtres vivants comme les végétaux, pour d'autres - comme les animaux - le maintien de la vie passe par l'action.
Agir
Alors qu'un végétal utilise l'énergie uniquement à des fins de renouvellement et de transformation de sa structure, l'animal garde une partie de l'énergie pour agir directement sur l'environnement. D'un aliment de départ, le corps animal fait un mouvement.
Chez l'animal la constance du milieu intérieur donc la survie passe par l'action. C'est en nous déplaçant et en agissant sur le milieu que nous nous procurons la nourriture et que nous nous protégeons des agressions assurant par-là même la pérennité de nos êtres.
L'ordre de priorité fait que la constance du milieu intérieur peut être provisoirement sacrifiée à l'action. Bien entendu, il faut qu'à terme cette action soit efficace c'est à dire qu'elle permette de maintenir la constance du milieu interne et donc de perpétrer la structure vivante.
Nous avons parlé d'action efficace. En effet, dans les interactions que nous avons avec le milieu, tout n'est pas favorable. Pour survivre, un animal a, par exemple, tout intérêt à vite s'apercevoir que le contact direct avec le feu lui est nuisible. Certaines interactions avec le milieu extérieur sont favorables d'autres non. Les animaux sont capables de faire la part du favorable et du nuisible simplement par des réactions internes de plaisir et de douleur.
Ressentir : le plaisir et la douleur
Nous avons en nous des mécanismes qui, une fois activés, engendrent le plaisir et la douleur. Habituellement, ces mécanismes sont directement aux prises avec l'état physiologique du milieu interne. Tout ce qui contribue à maintenir ou rétablir la stabilité de ce milieu est associé à un plaisir, tout ce qui éloigne de l'équilibre provoque la douleur. Ingérer de la nourriture alors que le corps en manque est plaisant. Bouger alors que le corps est épuisé provoque la douleur.
Notre présentation est extrêmement simplifiée mais l'idée est là. Chaque expérience de la vie est catégorisée en terme de douleur ou plaisir.
Pour les animaux, plaisir et douleur engendrent des comportements de recherche ou de fuite d'autant plus efficaces à terme qu'ils sont mis en mémoire. Nous reviendrons sur ce point dans le chapitre consacré aux comportements.
Apprendre et changer
Une structure vivante est plongée dans un environnement changeant. En dépit de ces fluctuations, elle doit pouvoir maintenir la constance de son milieu intérieur. Cette double contrainte est :
rendue possible par le fait qu'une structure vivante est plastique, capable de changer son organisation en réponse à des stimuli extérieurs. Toutefois, le changement induit toujours un effort doublé d'un risque.
facilitée par la capacité du vivant à retenir ce qui lui est arrivé. Le vivant est capable d'intégrer, de mémoriser et de transmettre des changements l'ayant affecté. C'est là que la thermodynamique rejoint l'étude du système nerveux mais également la biologie moléculaire. En effet, la mémoire du vivant s'inscrit au niveau des neurones mais aussi de cette molécule si particulière capable de garder des informations et de les transmettre à travers les générations ; j'ai nommé l'Acide Désoxyribonucléique ou ADN.
Quelle que soit l'origine de l'information mise en mémoire, le fait important est qu'un individu ou une espèce est capable d'apprendre. Cet apprentissage peut être extrêmement simple et stéréotypé. C'est le cas quand un seul paramètre change et induit toujours le même comportement en réponse. Nous passons devant la vitrine de la boulangerie ; notre regard se fixe, nos papilles gustatives s'excitent. En revanche, quand la situation est plus complexe, l'apprentissage passe par une suite d'adaptations extrêmement fines qui peuvent elles aussi être sujettes aux changements.
Voilà que nous avons déjà parcouru pas mal de chemin. Nous nous approchons maintenant, de ce qui fait la particularité de l'être humain. Non pas que les animaux ne possèdent pas les qualités qui suivent mais que l'être humain les ait portées à un degré de développement bien supérieur aux autres espèces vivantes.
Raisonner c'est à dire faire des catégories et établir des liens
Nous avons déjà parlé de catégories et de liens en disant qu'un stimulus peut être vécu comme plaisant ou déplaisant. Telle chose a telles propriétés et produit tels effets. Voilà la base de la logique. Les systèmes vivants réalisent ce rôle d'intégration, de comparaison de propriétés, de données, de relations de causes à effets. Ils permettent ainsi de dégager des principes d'autant plus puissants qu'ils sont basés sur l'abstraction liée à la représentation et au langage. Par exemple : tout ce qui est rouge est dangereux. Le raisonnement permet, à partir de situations vécues et retenues, de dégager des principes généraux c'est à dire ce qui se retrouvent à l'identique dans de nombreux cas de figure. Ces principes sont bien évidemment plus simples que le réel mais ils ont l'avantage de pouvoir orienter l'action efficacement. Leur force tient dans leur utilité.
Enfin, l'homme a su appliquer son raisonnement non seulement sur les choses mais aussi sur ses semblables et sur lui-même. Il a ainsi appris qu'il est.
Être en conscience
Il y a environ 100000 ans l'être humain s'est mis à enterrer ses semblables. Ce faisant, il reconnaissait l'existence, l'unicité mais aussi la fragilité de l'être humain. Reconnaissant la mort, il posait son existence et celle de ses "autres lui-même". La prise de conscience de soi par une espèce vivante, a été un tournant fondamental dont nous avons, encore aujourd'hui, bien du mal à assumer l'héritage.
Un être qui enterre les siens a conscience de sa singularité mais aussi du déroulement de son existence dans le temps. A un moment de son histoire, l'être humain a su le temps, il a su que demain sera.
Si les principes ainsi dégagés se déploient dans l'espace, ils s'exécutent également dans le temps et aboutissent par-là même à une autre qualité fondamentale de l'espèce humaine : savoir que demain sera.
Imaginer l'avenir
Imaginez un être qui tous les matins voit le soleil se lever. Un être capable de se souvenir du passé et de savoir que demain viendra. Que pensera-t-il de demain matin ? Certainement, qu'à l'aube, une fois encore, le soleil se lèvera ! Si un phénomène s'est produit plusieurs fois par le passé, il y a toutes les chances qu'il se répète dans le futur. De la connaissance du passé nous tirons des relations causales qui nous permettent de prévoir ou plutôt d'imaginer le futur et éventuellement de l'anticiper. C'est là une qualité fondamentale présente à l'état de bride chez certains primates et surdéveloppée chez l'être humain. Nous verrons les incidences psychologiques d'une telle qualité.
Toutes les propriétés que nous venons d'aborder se retrouvent lorsqu'on parle non plus de l'être vivant en général mais de son système nerveux en particulier.
L'être biologique
Présentation
A l'origine de l'univers n'existaient que des particules extrêmement simples et disparates. Depuis, certains éléments se sont assemblés en structures de plus en plus grandes et complexes. Ce faisant, les éléments se sont différenciés de la soupe originelle dans laquelle ils baignaient tout en acquérant des propriétés nouvelles.
Dans ce chapitre, nous livrons ces propriétés en parcourant le chemin qui va de la matière à l'homme. Cet exposé montrera l'être humain recherchant le plaisir et fuyant la douleur. Il nous dira notre agressivité, nos joies et nos peurs aussi. Il posera les attitudes de l'humain dans la sphère du vivant sans chercher les explications sous-jacentes.
Avant de commencer le chapitre, nous aimerions vous prévenir que certaines expressions peuvent laisser penser à un finalisme c'est à dire amener à croire que la matière - vivante ou non - suit un projet, se donne une fin qu'elle tend à réaliser. Ce n'est point là notre intention. Nous utilisons la facilité qu'il y a à exprimer les qualités de la matière dans un langage emprunt de finalisme. Toutefois, soyez prévenus qu'il ne s'agit que d'une paresse linguistique de notre part. Ce n'est pas parce qu'une parcelle de matière a développé une qualité qu'elle concourait à le faire. En revanche, c'est parce qu'elle l'a fait que nous pouvons en parler et entrevoir les mécanismes parfaitement "aveugles" qui l'ont déterminé.
Ceci étant dit commençons par les propriétés du vivant.
1.1 Au plus profond de nous, les qualités que nous partageons avec tous les êtres vivants
Qu'est ce qu'être vivant ?
A cette question, trois grandes sciences apportent leur réponse.
La biologie moléculaire
La physiologie
La thermodynamique
Les définitions que ces approches donnent du vivant sont liées à leur objet d'étude. Pour la biologie moléculaire, le vivant est ce qui possède la molécule d'Acide Désoxyribonucléique (ADN) ou d'ARN support de l'information génétique. Pour la physiologie le vivant se trouve là où se produisent des réactions biochimiques qui concourent à s'entretenir. Quant à la thermodynamique, elle dit vivant ce qui est capable de se perpétuer et de se transformer en dégradant de l'énergie prise à l'environnement.
Les trois approches permettent de différencier partiellement l'animé de l'inanimé. C'est de l'approche thermodynamique que nous allons partir ; une approche qui base son raisonnement sur l'énergie.
Transformer l'énergie
Selon la thermodynamique, être vivant c'est être traversé par l'énergie. Le vivant puise de l'énergie dans le milieu, en garde une partie et rejette le reste. A quoi sert l'énergie gardée ? A assurer la pérennité donc la transformation, le renouvellement de la structure vivante.
Parce qu'elle est traversée par un flux d'énergie en provenance de et en partance pour le milieu et qu'elle transforme cette énergie en structure, une partie du monde est vivante. Voilà une définition valable pour tous les êtres vivants, du virus à l'éléphant, de la molécule à l'être humain.
Echanger
Nous venons de dire qu'en se rassemblant des éléments ont créé des étendues de matière différenciées du reste du monde ; des structures. Bien que différentes ces structures communiquent avec l'environnement notamment par le fait qu'elles y puisent de l'énergie. Nous tenons là une deuxième qualité du vivant : sa capacité à communiquer, à échanger. Après avoir vu que vivre c'est transformer nous voyons que vivre c'est échanger ! Ce qui est isolé du reste du monde ne peut se maintenir en vie. C'est l'échange d'énergie mais aussi d'informations qui permet à la structure vivante d'assurer sa pérennité. Cet échange suppose d'être capable de collecter l'énergie et l'information et de les redistribuer à l'ensemble de la structure. Chaque parcelle de vivant s'est dotée de tels systèmes de communication.
La fin poursuivie reste le maintien de la structure grâce à la transformation de l'énergie. Or les réactions biochimiques assurant cette transformation ne peuvent s'accomplir que dans des conditions bien déterminées. Tout changement par rapport à ces conditions induit une perte d'efficacité.
Se stabiliser
La pérennité du vivant passe par le maintien de l'intérieur de la structure dans certaines limites. Au-delà de ces limites, les liens se rompent, la structure disparaît, les éléments se dispersent.
Ce maintien de la stabilité à l'intérieur d'une structure vivante a été appelé par Claude Bernard, constance du milieu intérieur. Elle a reçu de W B Cannon, le doux nom d'homéostasie.
Une troisième propriété dynamique du vivant est donc de concourir au maintien de son milieu intérieur.
Si nous tombons dans le finalisme c'est à dire si nous donnons une intention au vivant, la traduction de cette propriété est : "la raison d'être d'un être vivant c'est d'être" (Henri Laborit). L'objectif premier de toute structure vivante c'est de vivre.
Si cette propriété est directement satisfaite par certaines catégories d'êtres vivants comme les végétaux, pour d'autres - comme les animaux - le maintien de la vie passe par l'action.
Agir
Alors qu'un végétal utilise l'énergie uniquement à des fins de renouvellement et de transformation de sa structure, l'animal garde une partie de l'énergie pour agir directement sur l'environnement. D'un aliment de départ, le corps animal fait un mouvement.
Chez l'animal la constance du milieu intérieur donc la survie passe par l'action. C'est en nous déplaçant et en agissant sur le milieu que nous nous procurons la nourriture et que nous nous protégeons des agressions assurant par-là même la pérennité de nos êtres.
L'ordre de priorité fait que la constance du milieu intérieur peut être provisoirement sacrifiée à l'action. Bien entendu, il faut qu'à terme cette action soit efficace c'est à dire qu'elle permette de maintenir la constance du milieu interne et donc de perpétrer la structure vivante.
Nous avons parlé d'action efficace. En effet, dans les interactions que nous avons avec le milieu, tout n'est pas favorable. Pour survivre, un animal a, par exemple, tout intérêt à vite s'apercevoir que le contact direct avec le feu lui est nuisible. Certaines interactions avec le milieu extérieur sont favorables d'autres non. Les animaux sont capables de faire la part du favorable et du nuisible simplement par des réactions internes de plaisir et de douleur.
Ressentir : le plaisir et la douleur
Nous avons en nous des mécanismes qui, une fois activés, engendrent le plaisir et la douleur. Habituellement, ces mécanismes sont directement aux prises avec l'état physiologique du milieu interne. Tout ce qui contribue à maintenir ou rétablir la stabilité de ce milieu est associé à un plaisir, tout ce qui éloigne de l'équilibre provoque la douleur. Ingérer de la nourriture alors que le corps en manque est plaisant. Bouger alors que le corps est épuisé provoque la douleur.
Notre présentation est extrêmement simplifiée mais l'idée est là. Chaque expérience de la vie est catégorisée en terme de douleur ou plaisir.
Pour les animaux, plaisir et douleur engendrent des comportements de recherche ou de fuite d'autant plus efficaces à terme qu'ils sont mis en mémoire. Nous reviendrons sur ce point dans le chapitre consacré aux comportements.
Apprendre et changer
Une structure vivante est plongée dans un environnement changeant. En dépit de ces fluctuations, elle doit pouvoir maintenir la constance de son milieu intérieur. Cette double contrainte est :
rendue possible par le fait qu'une structure vivante est plastique, capable de changer son organisation en réponse à des stimuli extérieurs. Toutefois, le changement induit toujours un effort doublé d'un risque.
facilitée par la capacité du vivant à retenir ce qui lui est arrivé. Le vivant est capable d'intégrer, de mémoriser et de transmettre des changements l'ayant affecté. C'est là que la thermodynamique rejoint l'étude du système nerveux mais également la biologie moléculaire. En effet, la mémoire du vivant s'inscrit au niveau des neurones mais aussi de cette molécule si particulière capable de garder des informations et de les transmettre à travers les générations ; j'ai nommé l'Acide Désoxyribonucléique ou ADN.
Quelle que soit l'origine de l'information mise en mémoire, le fait important est qu'un individu ou une espèce est capable d'apprendre. Cet apprentissage peut être extrêmement simple et stéréotypé. C'est le cas quand un seul paramètre change et induit toujours le même comportement en réponse. Nous passons devant la vitrine de la boulangerie ; notre regard se fixe, nos papilles gustatives s'excitent. En revanche, quand la situation est plus complexe, l'apprentissage passe par une suite d'adaptations extrêmement fines qui peuvent elles aussi être sujettes aux changements.
Voilà que nous avons déjà parcouru pas mal de chemin. Nous nous approchons maintenant, de ce qui fait la particularité de l'être humain. Non pas que les animaux ne possèdent pas les qualités qui suivent mais que l'être humain les ait portées à un degré de développement bien supérieur aux autres espèces vivantes.
Raisonner c'est à dire faire des catégories et établir des liens
Nous avons déjà parlé de catégories et de liens en disant qu'un stimulus peut être vécu comme plaisant ou déplaisant. Telle chose a telles propriétés et produit tels effets. Voilà la base de la logique. Les systèmes vivants réalisent ce rôle d'intégration, de comparaison de propriétés, de données, de relations de causes à effets. Ils permettent ainsi de dégager des principes d'autant plus puissants qu'ils sont basés sur l'abstraction liée à la représentation et au langage. Par exemple : tout ce qui est rouge est dangereux. Le raisonnement permet, à partir de situations vécues et retenues, de dégager des principes généraux c'est à dire ce qui se retrouvent à l'identique dans de nombreux cas de figure. Ces principes sont bien évidemment plus simples que le réel mais ils ont l'avantage de pouvoir orienter l'action efficacement. Leur force tient dans leur utilité.
Enfin, l'homme a su appliquer son raisonnement non seulement sur les choses mais aussi sur ses semblables et sur lui-même. Il a ainsi appris qu'il est.
Être en conscience
Il y a environ 100000 ans l'être humain s'est mis à enterrer ses semblables. Ce faisant, il reconnaissait l'existence, l'unicité mais aussi la fragilité de l'être humain. Reconnaissant la mort, il posait son existence et celle de ses "autres lui-même". La prise de conscience de soi par une espèce vivante, a été un tournant fondamental dont nous avons, encore aujourd'hui, bien du mal à assumer l'héritage.
Un être qui enterre les siens a conscience de sa singularité mais aussi du déroulement de son existence dans le temps. A un moment de son histoire, l'être humain a su le temps, il a su que demain sera.
Si les principes ainsi dégagés se déploient dans l'espace, ils s'exécutent également dans le temps et aboutissent par-là même à une autre qualité fondamentale de l'espèce humaine : savoir que demain sera.
Imaginer l'avenir
Imaginez un être qui tous les matins voit le soleil se lever. Un être capable de se souvenir du passé et de savoir que demain viendra. Que pensera-t-il de demain matin ? Certainement, qu'à l'aube, une fois encore, le soleil se lèvera ! Si un phénomène s'est produit plusieurs fois par le passé, il y a toutes les chances qu'il se répète dans le futur. De la connaissance du passé nous tirons des relations causales qui nous permettent de prévoir ou plutôt d'imaginer le futur et éventuellement de l'anticiper. C'est là une qualité fondamentale présente à l'état de bride chez certains primates et surdéveloppée chez l'être humain. Nous verrons les incidences psychologiques d'une telle qualité.
Toutes les propriétés que nous venons d'aborder se retrouvent lorsqu'on parle non plus de l'être vivant en général mais de son système nerveux en particulier.