BY THE WAY « l’arborescence »
En arborescence permanente. Voilà ce qui pourrait caractériser le parcours de Florent Philippe. On ne peut comprendre son travail photo d’aujourd’hui sans envisager le tout.
« Il aurait pu »
Il aurait pu être gymnaste professionnel et il s’est arrêté, il aurait pu rester dans les centres d’art et il s’est arrêté, il aurait pu demeurer graphiste et il s’est arrêté….la liste est longue de ces arrêts pour cet homme qui est là mais pas là. En fait ce ne sont jamais des arrêts, mais une histoire qui continue sans fin. Né à Boulogne sur mer dans le nord de la France en 1968, il devient gymnaste de haut niveau. Alors qu’il pense être arrivé au bout, il s’arrête à l’âge de 19 ans. Il a soif de remplir sa soif de remplir le vide qui l’habite. « Saut de puce, saut d’électron qui hésite entre l’énergie qu’on lui procure et la lumière qu’il doit réfléchir » C’est cette lumière au milieu de l’obscurité qu’il cherche à capturer, à analyser. En 1998, il est accepté aux beaux-arts de Calais. Il vit cela comme une immense frayeur et un immense soulagement. Il va enfin pouvoir articuler un langage et le remettre en question. La question du langage et de la forme sera omniprésente dans son travail. En parallèle il commence son parcours au sein des centres d’art. Il commencera une longue collaboration avec un grand commissaire d’exposition jusqu’à sa mort prématurée. Son parcours atypique d’ancien sportif intéresse cet homme. Il l’acceptera pour ce qu’il est.
« Les premières œuvres ».
Ses premières œuvres prennent la forme d’installations. Il interroge notre savoir. En donnant aux matériaux des qualités impossibles, il déclenche le piège visuel. Notre mémoire imageante le questionne. » Il y avait une faille entre ce qui était nommée et ce qui est sentie » dit-il. Ces installations sont lourdes et imposantes. Il a besoin de ce rapport physique, souvent risqué que l’on voit encore dans sa série photo « Escape ». Dans cette série comme les autres pas de trucages et c’est ce qui l’amuse. A l’époque, il se sent proche du travail de Richard Serra et de ses interrogations de la matière allié au physique des années 70. Comme d’habitude il se sent vite à l’étroit dans ces murs et cette pensée. Alors il repart. En cinq ans il passera par cinq grandes écoles d’art en France. Il y aura les beaux-arts de Cergy, de Dijon, de Besançon et de Tourcoing. Il passe son temps dans les trains car il continue de travailler dans les centres d’art avec des artistes comme Koudelka, Morellet, Ernest pignon Ernest, Raymonds Hains, Erick Dietman, Velicovick, Anthony Caro….
« Ils étaient épuisants fou furieux mais je me sentais moins seul dans mes pensées. »
Dans cette communauté d’esprit son travail évolue vite. C’est un aspirateur, un assoiffé de savoir. Ce petit homme surprend les artistes. Il a la structure et la discipline de l’ancien gymnaste et la folie poétique des « Fluxus ». Rien n’est jamais impossible. Sa trame restera la même mais sa mise en œuvre formelle continuera d’évoluer. En 1993, il intègre la photo, la vidéo et surtout le son à ses installations. Ce son qui lui permet d’aller au-delà du visible et des choses. L’image dialectique l’obsède. Une image dialectique douée d’une réversibilité, d’une autocritique sur notre façon de la voir au moment où nous essayons de l’interpréter. Circularité, mimésis, tautologie, aporie entre dans la danse. « Lorsque je rentre dans un gouffre, je ne regarde jamais le travail des autres, j’aurais toujours le temps de remonter voir. » Pour cet Artiste, qui refuse cette appellation pour lui, pour cet homme qui cherche à être, sans être là, c’est un nouveau souffle. Il va pouvoir intégrer la notion de perte ou « lorsque l’absence se fait présence ». Cette notion est encore présente dans ses photos. Ses installations vont créer un piège visuel et sonore avec beaucoup d’humour. « Vous avez le son, vous avez la forme mais vous ne voyez pas la pierre tomber ». Ce n’est pas uniquement les propositions de Bruce Nauman, Bill Viola, Robert Morris ou même Gary Hill qui l’intéresse mais leur cheminement, leur méthodologie pour y parvenir. Comme Bateson il considère l’esprit comme un réseau de relations multiples, parfois proches et souvent très éloignés.
Un autre départ.
En 1993, il obtient son diplôme supérieur d’expression plastique. Apres quelques expositions, performances, et collaborations, la disparition de son Maître marquera une première rupture. En 1999, il quitte son atelier du Nord de la France pour le sud. Montpellier. Il continuera de remplir des carnets de textes théoriques et introspectifs, il continuera de dessiner des installations, mais il ne les réalisera jamais. « Comme bloqué à cette époque » dit-il. Alors il cherche d’autres voies, d’autre façon de vivre ce monde qu’il ne comprend pas. Pour lui l’art est total et n’est pas la seule réponse. En 2002, il devient donc graphiste pour une grande chaine Française mais il s’ennuie, « presque trop facile ». Il ne renouvelle pas son contrat alors qu’on lui proposait le poste de directeur artistique. En 2004 à l’âge de 35 ans, sur les bancs universitaires il décroche un DESS de direction artistique. Il retrouve le monde de l’art Contemporain à Montpellier puis à Marseille. Son expérience l’aide beaucoup et l’on se demande d’ où vient « ce martien, cet illustre inconnu ».Il adore cette position, même si parfois elle l’attriste face à certaine personne. Il sait qu’il a fait ce choix d’être derrière les rideaux, et préfère monter les scènes plutôt que se montrer. « Lorsque l’absence se fait présence » prend alors tout son sens. En quelques mois, il travaille pour des artistes comme Simone Decker, Rodney Graham, Di Matteo……Et Francesco Finizio pour qui il sera commissaire d’exposition au MAC de Marseille. Ce retour fulgurant l’amuse beaucoup. Il part.
« jamais assez »
En 2006, il devient directeur d’une école de musique associative. Il organisera les spectacles, réalisera les scénographies en conceptualisant, et la communication. Lui, le passionné de musiques contemporaines pourra enfin lier son et lumière. « A quoi bon » En 2009, lui seul sait ce qui va marquer un grand tournant sur ce chemin. Ses livres, ses œuvres, ses écrits, sa collection d’art contemporain resteront dans les cartons durant des années. Il rejette en bloc ce qu’ il a été. Il dira juste :
« A quoi bon ».
Inscrit au saint du Diocèse de Marseille, il commence un travail pour entrer en prêtrise. Il ne pourra s’empêcher de réaliser des aménagements intérieurs et extérieurs comme cet éclairage architectural de l’église Ste marguerite. Ce rendre utile à l’autre qui ne le comprends pas, est son moteur. Vivant du minimum, il se mettra au service des exclus. « Ses frères de la rue ». Face la profondeur d’esprit recherché, il ne trouvera que valeur réduites, sectaires, et même dangereuses.
Peut être anecdotique pour certain, l’année 2015, lui annoncera une nouvelle qui a valeur capitale. Guidé par son médecin sportif auprès duquel il s’interroge sur son parcours, il rencontre une grande spécialiste. Apres examens, il apprend qu’il est atteint « de douance » ou « haut potentiel ». Son cerveau fonctionne autrement. Enfin il sait ce qu’il savait déjà. Il est libéré. Il est temps de m’amuser de ce que je suis, je n’ai plus peur. « J’ai juste mis une photo et j’ai fait mes cartons » En 2018, au détour d’une publication il sera remarqué. S’en suivra alors une longue correspondance avec « Sa Muse ».
Quelques mois plus tard il quittait son cher Sud de la France pour le froid glacial du Nord. Il voudra fixer l’infixable et orienter le flux émotionnel de son retour. Il y aura sans doute un départ. Les photos qui suivent racontent la suite de cette histoire. Il ne pouvait utiliser autre chose que la photographie. A 13 ans, armé de son petit olympus om10, il possédait déjà son petit laboratoire. Comme une particule à l’image du tout, il est impossible d’envisager ces photos sans connaître l’histoire : celle qui s’est terminée, celle qui commence, celle que vous continuez. Il garde pour lui bien d’autres aventures. Nous sommes en 2020…..sa vie est un roman, son filtre de lecture : son appareil photo. F.f 2020
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Texte issue de "progressive Street" Merci à toute l'équipe
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