Nous sommes toujours attachés à nos racines. Les miennes sont de l’autre côté de la méditerranée, au Maroc. J’ai découvert Marseille à l’âge de huit ans et je me considère aujourd’hui comme Marseillais à part entière. Ces racines profondes, sont certainement coupables des aplats posés sur la toile. Fier de mes premières toiles parisiennes, on me dira « ça ressemble à Marquet ! ». Inconnu pour moi alors, mais lorsque je le découvre, c’est un choc, une émotion, et je me dit oui, je veux que « ça » ressemble à Marquet. Après tout découvrir signifie « ôter ce qui couvre », voir ce qui était devant nous sans le savoir. Plus tard, je retrouverai la couverture du Lagarde et Michard de terminale, illustrée d’une vue du Pont Saint Michel, qui aura peut être œuvrée dans les synapses de ma mémoire. Je désire ainsi, m’imprégner, de manière plus ou moins consciente des odeurs du port, des reflets d’huile sur l’eau, kaléidoscope de bleus barré du blanc d’une barque, de l’ocre du fort en fin d’après midi, des montagnes roses qui enserrent ma ville. Alors je me met à rêver : c’est à cette fenêtre qu’Henri Manguin posa son chevalet ? C’est ici que Paul Cézanne tourna le dos à Auguste Renoir lors de leur rencontre à l’Estaque ? Louis Mathieu Verdilhan était là pour peindre son port ?… Le ciel est aujourd’hui celui du Vieux-Port de Charles Camoin, après ce mistral la mer se pare du bleu outremer de Jean-Baptiste Olive. Oui, j’aime à tisser les méandres de l’inconscient, conscient de l’héritage à venir. C’est mon Marseille.
Jean-Paul Courchia